Vol du matériel professionnel : quelle responsabilité pour le salarié

La faute lourde est l’une des rares causes admises par les tribunaux français comme susceptibles d’engager la responsabilité financière d’un salarié, notamment au travers de sanctions pécuniaires. En effet, en présence d’une faute lourde, l’employeur peut prétendre à une indemnisation de la part du salarié au travers du versement de dommages et intérêts.
Encore faut-il que les conditions de nature à justifier la caractérisation d’une faute lourde soient rapportées, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation.


Dans cette affaire, un salarié est licencié pour motifs disciplinaires, et l’employeur met fin de manière anticipée à son préavis, à la suite d’une prise de connaissance de vols répétés de matériels et accessoires de l’entreprise réalisés par le salarié licencié, avec revente par ce dernier à des tiers, lequel prétendait agir pour le compte de l’entreprise qui l’employait. L’entreprise justifie alors de l’existence d’une faute grave à l’encontre du salarié.

L’ex-employé saisit alors la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement, mais en appel, la juridiction de second degré considère que les faits commis étaient contraires à l’intérêt de l’entreprise et le condamne au versement de dommages et intérêt envers son ancien employeur, à hauteur de 70 000 euros, pour avoir manqué à son obligation de loyauté.

Cette condamnation est contestée par le salarié devant la Cour de cassation, laquelle adopte une position inverse à celle des seconds juges, rappelant le principe selon lequel « la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu’en cas de faute lourde », de sorte que sauf à ce qu’une faute lourde soit constatée, le salarié ne peut être sanctionné pécuniairement à l’encontre de son ancien employeur.

Or, en matière de faute lourde, la jurisprudence antérieure requiert qu’il soit rapporté la preuve que les faits commis par le salarié révèlent une intention de nuire à l’entreprise ou à l’employeur, tel que le dénigrement de ce dernier par le salarié dans le but de détourner la clientèle vers une autre entreprise (Cass. soc 18/12/ 2013 n°12-15.009), le fait de menacer de mort son employeur en mimant un acte d’égorgement (Cass. soc 04/07/2018 n°15-19.597), ou encore le fait pour un salarié travaillant au sein d’un service de comptabilité de divulguer les difficultés financières rencontrées par l’entreprise (Cass. soc 30/06/1982 n°80-41.114).

En l’espèce, la Haute juridiction condamne la légèreté dont a fait preuve la Cour d’appel pour apprécier le caractère de la faute lourde, en justifiant sa décision simplement sur le postulat que le salarié ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés, et que ces derniers constituaient « un comportement totalement étranger à l’exécution de son contrat de travail et un acte grave contraire à l’intérêt de l’entreprise moralement répréhensible afin de s’octroyer un avantage particulier », sans pour autant démontrer l’intention de nuire du salarié.

Un rappel simple est ici réalisé par la Cour de cassation concernant les conditions cumulatives propres à caractériser l’existence d’une faute lourde, et permettant le cas échéant, d’engager la responsabilité financière du salarié. Ainsi, la simple réalisation d’un acte préjudiciable à l’entreprise n’est pas suffisante, cet acte doit être accompagné de la volonté, par le salarié, de porter préjudice à son employeur lors de la commission du fait fautif.


Référence de l’arrêt : Cass. soc 9 mars 2022 n°21-10.173