Saisie sur salaire sans juge : révolution ou atteinte aux droits des locataires ?

Entrée en vigueur au 1er juillet 2025, le régime de saisie des rémunérations relatif au traitement des loyers impayés, recentre l’exécution autour du Commissaire de Justice, déjudiciarise l’essentiel des opérations qui y sont relatives et digitalise traçabilité via un registre national, tout en maintenant des garde-fous propres aux créances à caractère alimentaire.

L’office du juge ne se trouve pourtant pas affectée par ces nouveaux mécanismes, mais n’est déclenchée qu’à la contestation.

Une réforme présentée comme une révolution pour les créanciers

La loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 à l’origine d’un décret d’application du 3 juin 2025 relatif à la saisie des rémunérations en cas de loyers impayés inaugure une véritable « déjudiciarisation » de cette procédure.

Le Commissaire de Justice peut désormais dresser un procès-verbal de saisie directement signifié à l’employeur, et ce sans autorisation préalable du juge.

Pour le bailleur qui dispose d’un titre exécutoire (jugement, acte notarié, injonction de payer), cette réforme présente un gain de temps considérable, d’autant plus que la procédure est centralisée sur un registre numérique, assurant l’unicité et la priorité des inscriptions.

En pratique, la procédure débute par un commandement de payer assorti d’un délai suspensif d’un mois permettant contestation ou conclusion d’un accord amiable, puis l’acte est inscrit le jour même sur le registre numérique des saisies des rémunérations. À défaut d’accord ou de contestation, le procès-verbal de saisie est signifié au tiers saisi (employeur), puis un Commissaire de justice répartiteur, désigné via la liste nationale, centralise les versements et procède à la répartition périodique entre créanciers inscrits.

Des garde-fous pour les locataires

La simplification et la rapidité apportée par la réforme n’évincent donc pas complètement le juge, puisque le débiteur conserve la possibilité de contester le commandement devant le juge de l’exécution dans un délai d’un mois.

Les règles protectrices demeurent inchangées concernant le barème de la quotité saisissable, la part insaisissable destinée à préserver les moyens d’existence, et la possibilité de suspension ou de révision par le juge en cas d’abus ou d’irrégularité.

Ainsi, la réforme ne supprime pas la protection du débiteur, elle la déplace vers un contrôle a posteriori.

Par exemple, un salarié au SMIC avec deux enfants bénéficie toujours du minimum vital et en cas de retenues excessives, il peut saisir le JEX qui rectifiera les montants.

Entre accélération et risques procéduraux : un équilibre fragile

Si les créanciers gagnent en efficacité, la nouvelle procédure impose une vigilance accrue, puisque l’inscription immédiate au registre est impérative et que tout retard entraîne la caducité.

Le procès-verbal doit quant à lui être dénoncé auprès du débiteur dans les huit jours, sous peine de nullité, et l’employeur tiers saisi est lui-même exposé à des sanctions s’il omet de reverser les retenues (jusqu’à 10 000 euros d’amende).

La charge procédurale est donc partagée et en partie transférée au Commissaire de justice et au débiteur, qui doit agir rapidement pour préserver ses droits.