Avec le développement des contentieux relatifs aux conflits de voisinage, il est apparu nécessaire de réformer la question majeure du trouble anormal de voisinage. C’est chose faite avec la loi du 15 avril 2024.
Le trouble anormal de voisinage : d’un principe jurisprudentiel à un principe codifié
Ce principe a tout d’abord été traité sur le fondement de l’abus du droit de propriété. Ce fondement étant apparu trop complexe, la jurisprudence a ainsi érigé le principe selon lequel « nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Les juges pouvaient alors engager ou non cette responsabilité au cas par cas.
Désormais, la loi du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels consacre le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage dans le Code civil.
Le nouvel article 1253 du Code civil dans son premier alinéa prévoit ainsi que l’auteur « à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».
Le régime de la responsabilité du trouble anormal de voisinage
- Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité
Le nouvel article 1253 du Code civil reprend majoritairement le régime mis en œuvre par les juges auparavant.
Cette responsabilité est de plein droit, c’est-à-dire que l’auteur du trouble n’a pas besoin de commettre de faute pour voir sa responsabilité engagée.
Afin de pouvoir intenter une telle action, il convient de réunir diverses conditions :
- Un trouble anormal: il peut être de tout ordre (odeur, son, gêne esthétique), mais la nuisance doit excéder les nuisances « classiques » du voisinage ;
- Un préjudice: la victime doit rapporter la preuve d’un préjudice (économique, moral ou d’agrément) ;
- Un lien de causalité entre le trouble et le préjudice.
Si toutes ces conditions sont réunies, une action en responsabilité peut être intentée. L’auteur du trouble pourra être sanctionné selon le droit commun de la responsabilité, à savoir la cessation du trouble et/ou l’octroi de dommages-intérêts pour la victime.
- Les cas d’exonération de cette responsabilité
Le texte prévoit des exceptions à ce principe. La responsabilité ne pourra être engagée en présence d’une activité :
- Antérieure à l’installation de la personne se plaignant du trouble ;
- Respecte la législation qui l’encadre ;
- Se poursuit dans les mêmes conditions ou si les conditions nouvelles ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble.
Cette exception est applicable pour les activités de toute nature.
Enfin, le texte fait référence au nouvel article L 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime qui va prévoir des exonérations supplémentaires pour les activités agricoles. Avec cette codification, un agriculteur qui modifie les conditions de son exercice pour être en conformité avec la réglementation ne pourra pas voir sa responsabilité engagée sur le fondement du trouble anormal du voisinage. Il en va de même s’il apparaît qu’il n’a pas « substantiellement » modifié la nature ou l’intensité de son activité agricole.