La réparation du préjudice résultant de la naissance

L’article 1240 du Code civil prévoit que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Une femme enceinte donnant naissance à un enfant handicapé peut-elle solliciter la réparation du préjudice d’une telle naissance ?

La position antérieure de la Cour de cassation

Il était admis que dès lors qu’un médecin avait commis une faute et, dans la mesure où la femme parvenait à établir que dûment informée, elle aurait interrompu sa grossesse, un préjudice réparable existait pour l'enfant né handicapé et les parents (Cass. civ 1ère 26/03/1996, n°94-13.145)

Cette solution a été réitérée dans l’arrêt dit « Perruche » du 7 novembre 2000 (Cass. AP 17/11/2000, n°99-13.701). Une femme enceinte ayant donné naissance à un enfant handicapé en raison d’une faute médicale sollicite la réparation de son préjudice et celui de son enfant. La Cour de cassation statua que l’enfant pouvait « demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap ».

Ainsi, selon cette jurisprudence, une erreur de diagnostic prénatal n'ayant pas permis de déceler le handicap d'un enfant constituait un préjudice indemnisable. Le préjudice de l'enfant lui-même pouvait conduire à ce que l'on répare les conséquences dommageables liées au fait d'être né.

Des arguments contre cette jurisprudence émergent en estimant qu’il n’existerait pas de lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice, la faute du médecin n’étant pas la cause du handicap et que le préjudice est inexistant et illégitime. En effet, si la mère avait été informée du handicap, l’enfant ne serait pas né. Il est donc impossible de comparer la situation actuelle de l’enfant avec celle dans laquelle il se serait trouvé sans la faute du médecin.

La loi anti-Perruche

Le législateur est intervenu avec la loi du 4 mars 2002, et la création de l’article L 114-5 du Code de l’action sociale et des familles prévoyant que « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».

Cette loi prive ainsi la réparation du préjudice résultant de la naissance des enfants nés après l’entrée en vigueur de cette loi, le 7 mars 2002, sauf à démontrer que l’acte du médecin est à l’origine du handicap, le Conseil constitutionnel ayant censuré l’application de cette loi aux instances en cours (Conseil constitutionnel 11/06/2010, décision QPC n°2010-2).

Cette position a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme. La réparation du préjudice de la naissance d’un enfant handicapé né avant l’application de cette loi est possible (CEDH 03/02/2022, N. M. c/ France, n° 66328/14).

Pour les parents, la responsabilité ne sera engagée qu’en cas de faute caractérisée du médecin. Ils ne pourront cependant obtenir réparation que des dommages autres que ceux découlant du préjudice de l’enfant : préjudice moral ou économique.

Cette faute caractérisée n’est pas définie, mais la Cour de cassation exige qu’elle se caractérise par « son intensité et son évidence » (Cass, civ 1ère 16/01/2013, n°12-14.020). Tel est le cas du gynécologue qui, après avoir souscrit une analyse sanguine, n’a pas informé sa patiente de son résultat.